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Mythes et réalités

à propos de la Communication Alternative et Intervention Précoce

D’après l’orthophoniste Mary-Ann Romski, PhD et la psychologue Rose A. Sevcik, PhD.

Mythe 1

La CAA est un "ultime recours" dans l’intervention orthophonique.

Lors de l’apparition de la CAA comme stratégie d’intervention, elle a été considérée comme « ultime recours », à n'utiliser que lorsque toutes les autres options du développement du langage avaient été épuisées. En 1980, Miller et Chapman ont plaidé en faveur d'un certain nombre de règles, dont une indiquait qu'on devait envisager l'utilisation de la CAA si la parole ne s'était pas développée à l'âge de 8 ans (Miller et Chapman, 1980). Depuis cette époque, des données complémentaires sont apparues pour modifier ces règles précédemment établies. La mise en place de la CAA ne doit pas dépendre du fait qu'un enfant échoue à développer le langage ni être considéré comme un ultime recours, car la CAA peut jouer plusieurs rôles dans le développement précoce de la communication comme décrit précédemment (Cress & Marvin ,2003 ; Rachel Bueckelman & Light ,2002). En réalité, il est primordial que la CAA soit introduite avant toute défaillance de communication. Cette nouvelle approche implique que la CAA ne se destine pas seulement à l'enfant plus âgé qui n'a pas acquis le langage oral, mais aussi au jeune enfant dans la période d'acquisition des premières compétences de communication et de langage, afin d'anticiper toute défaillance dans le développement de la communication et du langage.

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Mythe 2

La CAA freine ou empêche le dévelop-pement futur du langage oral

Le mythe qui fait de la CAA un « dernier recours » va de pair avec un autre mythe. Il s'agit du sentiment que la CAA deviendra le principal mode de communication de l'enfant et lui enlèvera toute motivation pour parler. En réalité, cette crainte partagée par beaucoup de parents et quelques professionnels n'est tout simplement pas confirmée par les données empiriques. La littérature démontre d'ailleurs tout à fait le contraire il existe quelques études empiriques qui rendent compte d'une amélioration du langage oral après la mise en place de la CAA (cf. Beukelman & &Mirenda, 1998) ; Romski & Sevcik, 1996, pour analyses). Par exemple, Sedey, Rosin, and Miller (1191) ont noté que 80 % des quarante-six enfants atteints de Trisomie 21 (moyenne d’âge trois ans et onze mois) étudiés avaient appris des signes. Et les familles de ces enfants ont noté que ces derniers cessaient d’utilise les signes lorsqu’ils commençaient à parler ou lorsque leur parole devenait plus intelligible, Miller, Sedy, Miolo, Rosin, et Murray-Branc (1991) ont aussi rapporté que lorsque le vocabulaire initial d’un groupe d’enfants atteints de Trisomie 21 se différenciait peu de celle des enfants au développement typique ayant le même âge mental. Adamson et Dunbar (1991) ont décrit le développement de la communication chez une fillette de deux ans longuement hospitalisée et sous trachéostomie (incision dans la trachée qui forme une ouverture temporaire ou permanente permettant à l’enfant de respirer) qui utilisait les signes pour communiquer. Lorsque le tube de trachéotomie a été enlevé, elle a immédiatement essayé de parler et a rapidement adopté la parole comme mode de communication principal. Romski, Sevcik et Adamson (1997) ont évalué les effets de la CAA sur le développement du langage et de la communication chez de tout jeunes enfants avec des troubles du développement avérés, et qui ne parlaient pas au début de l’expérience. Bien que les familles de ces très jeunes enfants soient beaucoup plus ouvertes à l’utilisation de la CAA que ce que les chercheurs pensaient initialement, les parents se sont concentrés très rapidement et uniquement sur la parole lorsque leur enfant a produit son premier mot approximatif. Chez le très jeune enfant, l’utilisation de la CAA ne semble pas freiner l’acquisition de la parole (Cress, 2003). En réalité, il est probable que la CAA favorise le développement de la communication orale ; elle devrait donc figurer parmi les objectifs de l’intervention.

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Mythe 3

l’enfant doit montrer certaines compétences pour pouvoir bénéficier de la CAA

Auparavant, les enfants avec des troubles cognitifs d’un certain niveau n’avaient souvent pas accès à la mise en place d’une CAA, car le niveau évalué de leur intelligence et leur développement sensori-moteur ne correspondaient pas aux capacités cognitives/sensori-motrices qu’on avait reliées au développement du langage précoce (Miller & Chapman, 1980 ; Mirenda & Locke, 1989 ; Romski & Sevcik, 1988). Bien qu’on puisse défendre que certaines compétences cognitives fondamentales soient capitales pour la mise en place du langage, la relation exacte entre langage et cognition n’a pas été clairement définie (Rice, 1983 ; Rice & Kemper, 1984, pour analyses).  Les chercheurs ont présenté des arguments contre l’exclusion de l’enfant des interventions en CAA fondée sur les performances intellectuelles et/ou les compétences sensori-motrices pré-requises (Kangas & Loyd, 1988 ; Reichle & Karlan, 1988 ; Romski & Sevcik, 1988). Etant donné l’impact important qu’exerce le langage sur le développement cognitif, un déficit de langage expressif peut mettre une personne en situation de désavantage certain sur le plan du développement (Rice & Kemper, 1984). Certaines personnes atteintes de troubles sensori-moteurs sévères ne sont pas en mesure de démontrer leurs aptitudes cognitives sans moyen de communication, donc, il n’est pas possible d’exiger la preuve de ces aptitudes avant d’avoir fourni des outils et soutiens de CAA. De même, il a été prouvé que des handicaps moteurs sévères et des compétences de communication limitées peuvent affecter le développement cognitif précoce, en particulier le développement de la permanence de l’objet et des compétences de coordination moyens-fins. Ainsi, le développement du langage par la CAA peut être d’une importance cruciale si la personne doit également progresser sur le plan cognitif fonctionnel.

Mythe 4

Les appareils de CAA à synthèse vocale sont destinés uniquement aux enfants ayant des capacités cognitives intactes

Les capacités cognitives qu’un jeune enfant démontre lors d’une tâche pendant l’intervention peuvent aller de l’absence manifeste de troubles cognitifs à des troubles cognitifs sévères. Un autre mythe en lien avec le troisième concerne l’utilisation des appareils à synthèse vocale. Auparavant, les outils de CAA informatisés étaient souvent restreints par les professionnels aux enfants ayant des facultés cognitives intactes, et ce pour deux raisons principales. La première, les appareils étaient coûteux et l’on argumentait que cette dépense ne devait être engagée que pour les enfants qui pouvaient « vraiment tirer parti » de ces appareils (Turner, 1986). La seconde, les appareils informatisés nécessitaient souvent des capacités cognitives assez complexes pour les faire fonctionner et n’étaient ainsi délivrés qu’à ceux qui pouvaient en faire preuve. Ni l’une ni l’autre de ces deux raisons n’est vraie aujourd’hui. Les avances technologiques concernant les appareils de CAA ont offert de nombreuses options pour le jeune enfant. Aujourd’hui, il existe un vaste choix d’appareils de CAA qui parlent, allant de la technologie simple et économique (comme un simple contacteur) aux systèmes les plus complexes qui donnent accès à un langage élaboré et au développement des compétences en littératie. Ce large éventail d’options comprend des appareils allant du peu coûteux (moins de 100€) au plus onéreux (environ 10 000€ ou plus). Ces appareils très récents sont souvent très faciles à utiliser et peuvent permettre d’introduire la CAA à de jeunes enfants. L’appareil de CAA est simplement un outil, un moyen au service d’une fin – la mise en place du langage et de la communication – et non une fin en soi. Avoir une voix et pouvoir s’exprimer dès le plus jeune âge peut favoriser l’estime de soi, mais aussi la communication.

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Mythe 5

L’enfant doit avoir un certain âge pour bénéficier de la CAA

Il n’existe aucune preuve qui confirme que l’enfant doit avoir un certain âge chronologique pour bénéficier de façon optimale des interventions en CAA. L’âge chronologique est souvent un argument avancé contre la mise en place de la CAA pour le jeune enfant. Plus précisément, certains parents et professionnels croient que l’introduction d’un mode de CAA à un âge précoce empêchera que la parole devienne le mode de communication principal de l’enfant. Les recherches actuelles prouvent clairement l’efficacité des soutiens et accompagnement de la communication pour les enfants très jeunes, jeunes et d’âge préscolaires présentant divers troubles sévères (Bondy & Frost, 1998 ; Cress, 2003 ; Pinder & Olswand, 1995 ; Romsk, Sevcik & Forrest, 2001 ; Rowland & Schweigert, 2000). Des études démontrent également que l’emploi de la CAA n’interfère pas avec l’acquisition de la parole (Rosmski, Sevcik & Hyatt, 2003, pour une analyse) et il a été prouvé qu’au contraire, la CAA favorise son développement (cf. Millar, Light & Schlosser, 2000, pour une analyse plus détaillée de ces effets ; Romski & Sevcik, 1996 ; Romski, Sevcik & Pate, 1988).

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Mythe 6

Il existe une hiérarchie représentationnelle des symboles qui va des objets jusqu’aux mots écrits (orthographe traditionnelle)

Ce mythe laisse à penser qu’un enfant peut seulement apprendre les symboles suivant une hiérarchie représentationnelle. Cette hiérarchie va des objets réels aux photographies, aux dessins, aux représentations plus abstraites, puis aux mots français écrits (orthographe traditionnelle). Namy, Campbell & Tomasello (2004) ont indiqué que pour l’enfant âgé de treize à dix-huit mois l’acquisition précoce des mots n’est pas liée spécifiquement à un mode prédeterminé de référence symbolique, car sa compréhension des référents dans son environnement est en phase de développement. Le degré d’iconicité n’affecte pas la capacité d’établir les liens symbole-référent au début du développement du langage, mais marque une différence pour l’enfant au développement typique à partir de 26 mois. La perspective de l’enfant sur la relation entre le symbole et son référent dans l’environnement pourra évoluer tout au long de son développement. A l’âge de quatre ans, il peut développer une plus grande conscience de la fonction symbolique, posséder un plus grand vocabulaire et peut être plus ouvert à l’utilisation de différents modes symboliques. Cette donnée empirique, issue de la littérature sur le développement typique du langage, prouve que ce mythe n’est pas fondé sur des preuves concernant l’apprentissage du jeune enfant. En réalité, lors des premières phases du développement, il n’y a pas matière à inquiétude si l’enfant utilise des symboles abstraits ou représentatifs, car pour l’enfant ils fonctionnent tous de la même façon. Le choix de la banque de symboles peut être difficile pour la famille qui perçoit mal ce qui est adapté pour le jeune enfant.

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